mardi 16 décembre 2008

Comment rétablir les équilibres du logement ?

Il y a 32.774.000 logements en France (source INSEE 2008).
Il y a 4.152.046 logements sociaux (source METATTM/DAEI/SES septembre 2004).

Sur la base de ces chiffres, les logements sociaux représentent 12,65% du parc de logements.

Qui est éligible à ces 12,65% de logements ?

Selon la commission des affaires économiques du Sénat :

« Alors que 61,2% des ménages étaient éligibles à un logement social en 1998, l’évolution du SMIC a porté cette part à 70% en 2007 » (source : Rapport de la commission des affaires économiques du Sénat, approuvé le 9 octobre 2008, Rapporteur Dominique BRAYE).

Les logements sociaux sont donc éligibles en toute légalité à des ménages dont le revenu est très supérieur à la moyenne.

Qu'a modifé la loi Boutin ?

La loi Boutin a réduit les plafonds de revenus de 10,3%. L’impact de cette diminution est de ramener la part des ménages éligibles à 63,5%.

Quelles sont les conséquences de la loi ?

Plus de 6 ménages sur 10 gardent le droit d’accès au logement social, alors que les logements sociaux représentent moins de 1,3 logements sur 10.

Sous couvert de « réforme », les autorités attribuant les logements sociaux gardent en réalité le privilège d’accorder à leur guise des logements financés par l’argent public.

Voici ce que je propose

Attribuer les logements sociaux dans chaque département aux 20% de ménages aux revenus les plus faibles, selon les barèmes fixés par arrêté du Préfet de Région. Abroger toute autre disposition législative ou réglementaire afférente à l’attribution des logements sociaux.

Reverser à l’Etat les loyers des locataires dépassant les plafonds de ressources. Les organismes de logement social restituent le revenu locatif des logements financés par l’argent public et détournés de leur objet. Abroger toute disposition contraire ou différente.

Appliquer la loi du 6 juillet 1989 qui régit le secteur locatif privé aux logements des locataires dépassant les plafonds de ressources, pour permettre en particulier de rapprocher les loyers du prix de marché par le système des références. Abroger toute disposition contraire ou différente.

Quel est l’impact ?

Le premier impact est une résistance politique et administrative.

Les multiples opposants à cette mesure vont développer un argument de mauvaise foi en évoquant la « mixité sociale ». L’argument de la « mixité sociale » est odieux puisqu’il suppose que les pauvres sont des mauvais avec qui il faut mélanger quelques bons riches pour assurer la tranquillité des lieux.

L’argument le plus pernicieux émanera des inventeurs du DALO - droit au logement opposable institué par la loi du 5 mars 2007 - qui prétendront que leur usine à gaz est une solution. Mais les premiers pas de ce machin montrent que c’est un outil d’auto-justification et de bonne conscience, sans traiter le manque quantitatif et qualitatif.

Il y a quatre autres impacts, plus concrets.

Le parc locatif social retrouve son rôle de transition et d’ascenseur social.
Les attributions discrétionnaires sont ramenées à la portion congrue.
La législation retrouve de la clarté.
Les loyers reversés à l’Etat contribuent au remboursement de la dette publique.

Cette remise en ordre est-elle suffisante ?

Non. Une répartition plus juste du logement social est incapable en soi de traiter la pénurie de logement.

Sortir le droit de construire du brouillard réglementaire.

Le droit de construire doit être restitué aux propriétaires de terrains. Aujourd’hui, ce sont les maires qui disposent du droit d’autoriser ou non des constructions. Les maires disposent du droit de décider si un terrain est ou non constructible. Les maires peuvent décider de l’emprise, de la hauteur, de la surface maximum à construire.

Dès lors qu’il y a des personnes qui dorment à la rue, ce droit de blocage est un scandale, qui maintient le parc de logements français dans un état de pénurie.

Le soi disant « permis de construire » se traduit dans la réalité par un droit de produire de la pénurie.

Voici ce que je propose

La constructibilité est de droit, et les interdictions de construire l’exception.

L’inconstructibilité est limitée à 20% des surfaces de chaque Région. Ces surfaces sont déterminées par le Préfet de Région. Le COS - coefficient d'occupation des sols - est abrogé.

Les règles de prospect prévues au code civil et les règles de protection des paysages et des monuments historiques sont maintenues pour éviter les dérives de constructions anarchiques.

L’autorisation a priori qu’est le « permis de construire » est abrogée, et le contrôle de conformité à posteriori est maintenu. Les projets de construction peuvent être communiqués à l’administration pour avis et conseil, délivré sous 30 jours à peine d'interdiction de remise en cause administrative du projet communiqué.

A l’inverse, les voiries et réseaux divers restent dans le domaine public. Les raccordements et prolongements de réseaux sont laissés à la charge financière du constructeur. Les équipements collectifs restent dans le domaine public. La puissance publique concentre son activité sur les domaines où elle est efficiente.

Quelles seront les résistances ?

Nous rencontrerons une résistance farouche des politiques et de l’administration qui s’accrocheront à leur pouvoir qui se traduit dans la réalité par un pouvoir de nuire.

Mais la résistance à ce changement viendra aussi des promoteurs les plus importants. Les promoteurs les plus importants se satisfont de la situation actuelle car ils sont capables d’assumer la technicité juridique et le coût financier lié aux délais d’attribution des permis. Lorsque le brouillard réglementaire sera levé, ces promoteurs importants seront concurrencés par des promoteurs de plus petite taille et par des constructeurs individuels. Toutefois, la résistance des promoteurs sera épidermique et de courte durée. Ils sauront s’adapter avec souplesse et bénéficier de l’essor de la construction.

Les arguments de mauvaise foi qui seront développés sont déjà connus : tous invoqueront le risque d’émiettement urbain, la consommation des terres agricoles, et l’impossibilité de pratiquer un urbanisme raisonnable. Ces arguments sont malhonnêtes car un urbanisme de qualité est avant tout une excellente organisation des réseaux de circulation et un positionnement judicieux des équipements publics.

Quel sera l’impact ?

L’impact d’une telle mesure est une perte du pouvoir discrétionnaire des maires, une baisse considérable des prix, le rétablissement des équilibres, et à court terme la fin de la pénurie.

Conclusion

La pénurie de logements est aujourd’hui maintenue par manque de courage politique.

Nous constatons un défaut de stratégie claire. La multiplication des lois (1° Août 2003, 18 janvier 2005, 13 juillet 2006, 5 mars 2007) est la preuve de cette faiblesse stratégique.
La pénurie doit être résorbée par la suppression des points de blocage. Le logement social doit retrouver son rôle d’ascenseur social.
Enfin, le volume des textes en vigueur est si grotesque qu'il peut être divisé par dix, à condition d'intéresser les producteurs de textes à la diminution.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

"L’autorisation a priori qu’est le « permis de construire » est abrogée, et le contrôle de conformité à posteriori est maintenu. Les projets de construction peuvent être communiqués à l’administration pour avis et conseil, délivré sous 30 jours."

Oui, sauf qu' en cas de non conformité, je souhaite bien du plaisir à quiconque voudra la faire rectifier, allant jusqu' à la démolition complète de la construction.

"A l’inverse, les voiries et réseaux divers restent dans le domaine public. Les équipements collectifs restent dans le domaine public. La puissance publique concentre son activité sur les domaines où elle est efficiente."

D' accord mais ce que veulent éviter les maires des petites communes en particulier, c' est un étalement et une diffusion de l' habitat qui force à des efforts démesurés concernant les VRD.

"Je crois que le MODEM, par sa position centrale sur l’échiquier politique, a seul la capacité de rétablir un fonctionnement équilibré et de faire lever le brouillard réglementaire. Le volume des textes en vigueur peut être divisé par dix."

Là, ce n' est plus une conclusion; c' est un postulat.

Erick

Sylvain JUTTEAU a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Sylvain JUTTEAU a dit…

@ Erick :

Merci pour votre commentaire. Je souhaite vous répondre sur deux points :

1° "Oui, sauf qu' en cas de non conformité, je souhaite bien du plaisir à quiconque voudra la faire rectifier, allant jusqu' à la démolition complète de la construction."

---> L'administration publique sait faire démolir une construction irrégulière, et l'a maintes fois démontré. La différence avec un intervenant privé, c'est que l'administration publique dispose du recours à la force publique. Evitons de verser une larme sur sa supposée faiblesse.


2° "D' accord mais ce que veulent éviter les maires des petites communes en particulier, c' est un étalement et une diffusion de l' habitat qui force à des efforts démesurés concernant les VRD."

---> Cet argument est archi usé. En fait, le raccordement aux réseaux est payé en l'état actuel par celui qui se raccorde. Et le prolongement des réseaux est soit payable par le demandeur, soit fait aux frais de la collectivité. Mais c'est la collectivité qui choisit.

***

Au fond, soyons sérieux.Ces arguments sont spécieux. Ils sont sans poids face à la réalité de la pénurie.

Le fonds de l'affaire est que les maires s'accrochent à leur pouvoir. Et il se trouve que la plupart des parlementaires et des ministres ont été maires ou le seront. Ils instillent par tous les canaux de communication des arguments fallacieux.

Mon projet consiste à retirer du pouvoir à des gens qui ont organisé leur vie pour la conquête du pouvoir. Il faudra donc un dirigeant politique spécialement couillu ET lucide pour parvenir à rétablir une situation saine.

Toju

Anonyme a dit…

Tout d'abord, merci pour ce billet.
Une remarque cependant concernant les logements sociaux : si vous souhaitez affecter (à mon sens à juste titre) les logements sociaux aux véritables défavorisés et donc favoriser son rôle d'ascenseur social, il devient alors obligatoire d'établir une rotation suffisante de ces logements (dont le nombre est forcément limité) : la possibilité de faire libérer un logement lorsque ses locataires ont dépassé un seuil (à définir) me semble donc obligatoire...

Et qui de l'acquisition des logements sociaux ? Qu'en pensez-vous ?