mardi 11 décembre 2007

Qui a volé le droit de construire?

1 - La prolifération des normes a atteint un tel degré que nous sommes dans une situation de spoliation du droit de construire.

2 - Solutions et stratégie pour inverser l'inflation des normes.

3 - Que faut-il garder des normes actuelles ?

4 - Le logement comme point de départ de la restauration du droit de passer contrat.




1 - La prolifération des normes a atteint un tel degré que nous sommes dans une situation de spoliation du droit de construire.

Dans le cas de la France, il y avait 9 000 lois et 120 000 décrets en vigueur en l'an 2000. Depuis 2000, l’inflation normative s’est encore accélérée et se sont ajoutés chaque année 70 lois, 50 ordonnances, et 1 500 décrets.

Au plan particulier du droit de construire il y a 18 codes applicables :

1 CODE DES ASSURANCES
2 CODE CIVIL
3 CODE DE COMMERCE
4 CODE DES COMMUNES
5 CODE DE LA CONSOMMATION
6 CODE DE LA CONSTRUCTION ET DE L'HABITATION
7 CODE DU DOMAINE DE L'ETAT
8 CODE DE L'ENVIRONNEMENT
9 CODE DE L'EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITE PUBLIQUE
10 CODE GENERAL DES COLLECTIVITES TERRITORIALES
11 CODE GENERAL DES IMPOTS, CGI
12 CODE GENERAL DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES
13 CODE DE JUSTICE ADMINISTRATIVE
14 CODE DU PATRIMOINE
15 CODE DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE
16 CODE DU TRAVAIL
17 CODE DE L'URBANISME
18 CODE DE LA VOIRIE ROUTIERE

Il y a non seulement une prolifération de la norme, mais aussi, au vu de la liste des codes concernés, un éclatement de la présentation de ces normes, alors que la codification a pour objet annoncé de simplifier.

Il y a hétérogénéité normative pour deux raisons :

1° raison : Absence d’architecture d’ensemble.

La production normative est dépourvue d’architecture d’ensemble, c’est une production d’opportunité, voire dans les cas les plus extrêmes une production d’actualité médiatique. A titre d’exemple, il y a eu 5 lois sur l’Immigration en 5 ans, et une sixième est en préparation.

2° raison : L’ignorance de l’existant.

A chaque fois qu’une norme est produite, elle l’est en ignorant les normes déjà existantes, car les normes déjà existantes sont trop volumineuses, et impossibles à identifier du fait de leur éparpillement.


Lorsqu’il s’agit de construire un bâtiment, l’autorité publique délivre une autorisation préalable à la construction, c’est le permis de construire. Et ce permis de construire comprend un contrôle de la bonne application de normes.

Or ces normes sont trop nombreuses pour être connues du constructeur. L’administration peut donc décider :

- Soit de fermer les yeux sur les violations de la norme.
- Soit refuser l’autorisation de construire en s’appuyant sur cette violation de la norme, impossible à éviter.

La véritable décision de construire est donc de ce fait entre les mains de la collectivité et non entre les mains du propriétaire. Le droit de construire n’appartient plus au propriétaire, il a été collectivisé.

C’est le constat.

Mais quels sont les remèdes ?

2 - Solutions et stratégie pour inverser l'inflation des normes.

Qui produit les normes ?

A la source, c’est une navette et une stimulation réciproque entre les cabinets ministériels et les hauts fonctionnaires rattachés à la catégorie A+.

Chacun de ces hommes de l’ombre a intérêt pour justifier son poste et son avancement, à produire un gros volume textuel.

Je crois qu’il faut inverser cet intérêt. Je propose que la répartition des primes entre les fonctionnaires de catégorie A+ soit en proportion inverse de l’évolution du volume textuel.

Plus le volume augmente, plus la prime diminue.
Plus le volume baisse, plus la prime augmente.

En pratique, chacun des décrets et chacune des lois sont signés par les ministres chargés de leur exécution. Les fonctionnaires ont tous un ministère de rattachement. Il y a donc là l’outil pour créer l’émulation à la déflation normative entre les hauts fonctionnaires.

Par ce procédé nous inversons l’inflation normative, et nous entrons dans une ère de déflation normative jusqu’à ce que l’on revienne à un volume stable.

Pendant la période de retour vers la stabilité, nous aurons une diminution quantitative et une augmentation qualitative.

La limite d'une telle déflation serait l'excès de droit jurisprudentiel par rapport aux normes issues du pouvoir politique ( ce qui est au demeurant le cas en matière de droit administratif du fait de la séparation des ordres judiciaires et administratifs, et de l'autonomisation de facto et quasi incontrôlée du droit administratif) . Je propose de fixer d'autorité une limite quantitative, et de maintenir l'intéressement à la déflation des normes tant que le nombre de mots des lois et décrets en vigueur dépasse un million.

Pourquoi cette règle n’existe pas aujourd’hui ? Car les chefs de l’exécutif sont dépourvus de la profondeur stratégique qui leur permettrait de dominer et diriger les techniciens des administrations centrales.

Il eût fallut que ce soit l’administration qui produise elle-même une règle remettant en cause les intérêts des membres qui la composent. Personne n’est assez fou pour lutter contre ses propres intérêts.

Je crois qu’il convient d’intégrer cette modification dans le statut de la fonction publique. Seul un homme politique constant, tenace, et doté de vision stratégique, est capable de mener à bien une telle modification.




3 – Que faut-il garder des normes actuelles ?

Il y a des valeurs qui ont une utilité mais qui ne sont pas vendables. C’est ce qui justifie l’intervention de la collectivité, si l’altruisme est insuffisant. L’air pur et la beauté du paysage ont leur utilité en termes de santé et d’agrément, mais sont peu cessibles.

La collectivisation optimale est proportionnelle au rapport entre la valeur et la cessibilité, déduction faite de la part d’altruisme qui peut motiver les actions.

Collectivisation Optimale = (Valeur / Cessibilité) – Altruisme.

La collectivisation optimale est un rapport concret, et non une position doctrinale. C’est la prise de position doctrinale qui a égaré les collectivistes sur ce sujet, en les rassemblant plus ou moins sous la bannière du marxisme. Mais par contagion et par réaction, une position doctrinale anti-collectiviste a réussi à polluer le discours libéral.

Illustrons ce rapport concret dans le domaine de la construction :

L’acheteur ne connaît pas normes de qualité du bâtiment. Dans le rapport entre ces quatre termes :

Collectivisation Optimale = (Valeur / Cessibilité) – Altruisme,

la cessibilité est réduite car l'acheteur ne connaît pas une partie du produit. Il est incapable d'acheter ce qu'il ne voit pas.

Pour rétablir l'équilibre, nous avons le choix d'agir sur les 4 termes de l'équation :


- Augmenter l'altruisme : c'est la solution de long terme qui consite à restaurer l'aspiration à servir son prochain.
- Augmenter la collectivisation : c'est la solution qui consiste à imposer à tous sans distinction des normes fixées collectivement, et à assortir le respect de ces normes de sanctions mises en oeuvre par la force publique. C'est l'essentiel de la solution actuelle.
- Réduire la valeur : c'est la solution qui consiste à persuader les acheteurs que la construction est inutile.
- Augmenter la cessibilité : c'est la solution que je préconise, et qui consiste à améliorer la connaissance du bien par l'acheteur, et donc sa cessibilité. Je propose de rendre obligatoire l’information sur le respect des normes de qualité, mais de donner à l’acheteur le droit d’acheter un bâtiment hors normes, dans la mesure où cela ne nuit pas à autrui. C’est une restauration du droit d’acheter.

Deuxième application du rapport entre valeur et cessibilité, la voirie. La voirie est utile mais peu cessible. La collectivité est fondée à imposer ses règles pour le passage des voies de circulation.

Troisième application du rapport entre valeur et cessibilité, les paysages et environnements d’exception. Ils sont utiles à une vie agréable, mais sont en soi difficilement cessibles. La notion de protection du paysage est tellement subjective et extensible qu’il convient de limiter leur prolifération par une régulation générale. Je propose par exemple, que les zones à paysage protégé ne puissent dépasser 10% de la surface d’une région, et déterminées par les conseils régionaux. Dans ces 10%, la collectivité a un droit de regard sur le seul aspect esthétique du projet, et non sur la surface construite.

Quatrième application, la surface construite. La surface est d'une grande valeur et sa cessibilité décroit à mesure de la quantité construite. La collectivité est infondée à intervenir sur le sujet. Je propose de supprimer les règles de COS – coefficient d’occupation des sols – et de maintenir les règles de prospect déterminées par le Code Civil. Les règles de prospect sont les règles de hauteur et de distance par rapport au terrain voisin. Je peux construire ce que je veux dans la limite où je ne gêne pas mon voisinage. Mais mon voisinage a le choix de consentir une gêne moyennant dédommagement.

Enfin, dernière remarque, je crois qu’il est impératif de restituer aux propriétaires le droit de construire sans autorisation préalable.

Le régime de l'autorisation préalable est la cause essentielle de la pénurie de logement en France. Le pouvoir de blocage est mis entre les mains des services de l'Etat et des autorités municipales.

Le rythme annuel de construction est par exemple en France de 410.000 logements par an. Si l'on prend comme hypothèse que la durée moyenne d'obtention d'un permis de construire est de un an, nous avons de l'ordre de 400.000 logements qui sont bloqués dans les différents services administratifs, soit de quoi résorber en toute sérénité le problème du logement.

Pourquoi cette mesure n'est pas mise en oeuvre ? Car ni les députés-maires, ni les services de l'Etat n'acceptent de se dessaisir de leur pouvoir de blocage. Ils confondent démocratie représentative et confiscation du pouvoir de décision. Il est temps de réinjecter de la démocratie véritable, et de restituer aux citoyens le droit de décider.

Là aussi, je crois que seul un homme politique constant, tenace, et doté de vision stratégique, est capable de mener à bien une telle modification. Je crois aussi que cette règle générale du contrôle de légalité en lieu et place de l'autorisation préalable de construire peut être instituée comme règle de référence au niveau Européen, à charge pour chaque Etat Membre de se positionner par rapport à cette règle.


4 - Le logement comme point de départ de la restauration du droit de passer contrat.

Pour conclure, faisons une remarque sur la multiplication des normes.

La multiplication des normes est le corollaire de l’individualisme et de la fragmentation de la société. Toute norme imposée du haut renforce une relation verticale entre l’individu et l’Etat ou une autre abstraction collective.

Plus les relations verticales sont fortes, plus elles mobilisent d’énergie, plus les interactions entre les individus sont faibles. Si la norme collectiviste se relâche, se restreint, le contrat retrouve sa place, les relations entre les individus peuvent se reconstruire et se stabiliser.

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